François est une figure de la toile ludique francophone,
déjà presque 300 000 visiteurs, de nombreuses nouveautés
chaque semaine, je ne peux que vous inviter à y retourner
régulièrement : haffner.free.fr
.
De plus notre homme est un collectionneur averti, un joueur invétéré
et vient même de commettre un jeu ! mais où s'arrêtera-t-il
?
Walinette : Prenons les choses par le début,
peux-tu te présenter et nous raconter comment t'est
venue cette passion ?
François Haffner : Sur les forums,
mon pseudo est François Haffner. En fait, je m'appelle
François Haffner, mais je tiens à conserver
l'anonymat !
Je vis depuis maintenant longtemps avec Chantal qui m'a
fait 3 belles filles : Pauline (19 ans), Alice (16 ans)
et Agathe (13 ans).
Je suis tombé dans les jeux alors que j'étais
un jeune instituteur. Tout a commencé par un Tangram,
des Petaminos. C'était l'époque du démarrage
des "nouveaux jeux de société" en
France, avec en particulier le numéro spécial
de Science & Vie paru en 1978. Rapidement j'ai eu plaisir
à découvrir des jeux qui sont restés
mythiques pour moi : Lièvre et Tortue, Alaska, Grand
Hôtel (Acquire), Twixt, mais aussi Sympathie, Scotland
Yard, Camino, ...
J'ai donc un jour franchi le pas et j'ai laissé derrière
moi les enfants et l'Education Nationale pour monter un
des premiers relais Descartes. Le magasin a duré
ce que durent les entreprises montées sans un sou...
J'ai alors dû changer de métier à nouveau
et c'est ainsi que je me suis retrouvé à bricoler
des programmes informatiques à Lyon. J’ai ensuite
participé à l’aventure des Bénédictine
Game Clubs.
C’est à cette époque que je suis tombé
dans le Bridge qui a absorbé tous mes loisirs pendant
près de 15 ans. Ce n’est qu’il y a 3
ou 4 ans que je me suis intéressé aux jeux
de société à nouveau.
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La
fameuse table verte et le non moins fameux sieur Haffner |
W : Ce n'est pas trop dur de ne pas
pouvoir te consacrer à 100% aux jeux et de devoir exercer
une autre activité professionnelle ?
FH : En fait, quand j’ai eu l’occasion
de travailler dans le jeu, je me suis aperçu que c’était
beaucoup moins drôle que d’y dépenser son argent.
Ma vie se partage donc entre ma famille, mon travail, mes activités
syndicales et les jeux de société.
W : Tu arbores plusieurs casquettes dans le monde du
jeu : collectionneur, webmaster et plus récemment animateur
(Rêves de Jeux à Lyon) et même auteur !, par
quoi as-tu commencé ?
FH : De toutes les fonctions que tu évoques,
la première était animateur, en même temps
qu’auteur de jeu raté. Je regarde parfois avec émotion
la maquette du magnifique jeu de courses de chars où l’on
avançait avec des cartes à jouer que j’ai
conçu à cette époque. Puis j’ai découvert
l’existence d’Avé César qui était
bien plus réussi que mon jeu !
Lorsque j’ai commencé à délaisser le
Bridge pour revenir aux jeux de société, j’ai
eu l’idée de mettre ma collection sur internet. Elle
comptait à l’époque une quarantaine de jeux
et je n’imaginais pas l’expansion qu’elle allait
prendre…
W : Et laquelle préfères-tu endosser ?
FH : J’avoue que j’aimerais bien
que le jeu que j’ai conçu plaise. On a toujours envie
de laisser quelque chose et à mon âge avancé,
il faut commencer à songer à la postérité
! ;^)
W : Ta collection est immense (plus de 1000 jeux, tiens
au fait, tu connais le nombre exact?), tu as des astuces pour
te les procurer ou tu as ruiné ton banquier (ou les deux)
:-) ?
FH : Je ne connais pas le nombre exact de mes
jeux, et c’est peut-être mieux ainsi. Faut-il compter
les jeux de 32 cartes ? et les dés ?
A une époque j’avais assuré ma compagne que
je ne dépasserais pas 365 jeux. Elle ne m’avais pas
cru. Je n’ai donc pas voulu la décevoir !
Les jeux viennent de nombreuses sources : au début il s’agissait
essentiellement de récupération, d’achats
à vil prix aux puces. Puis quelques jeux neufs sont venus
rejoindre la collection mais mon banquier était peu content.
J’ai aussi reçu des cadeaux d’amis et même
parfois d’anonymes qui voulaient me marquer leur gratitude
pour le site internet. Un jour, un ami m’a suggéré
de demander des jeux aux éditeurs. J’ai alors franchi
le pas et j’ai frappé aux portes. Aujourd’hui,
une cinquantaine d’éditeurs m’ont fait parvenir
leurs jeux au moins une fois. Ceci provoque des jalousies de la
part de webmasters moins chanceux ou de certains qui mettent en
doute la sincérité de mes critiques. Sincèrement,
je m’en fous. Chacun peut juger si mes critiques sont ou
non influencées par ce qu’on appelle les «
services de presse » qui sont monnaie courante dans l’édition
de livres et de disques sans que cela ne gêne personne.
Si je ne recevais des jeux que de deux ou trois éditeurs,
cela pourrait être gênant. Quand je reçois
des jeux de pratiquement tous les éditeurs, cela garantie
l’indépendance !!!
W : LA question que tout le monde se pose, mais OU trouves-tu
la place pour les stocker ??? (déjà que j'ai du
mal à caser mes 50 boites...)
FH : Je me la pose aussi ! Les jeux remplissaient
ma grande chambre. Ils viennent pour la plupart de partir vers
les locaux de Rêves de Jeux que nous prête la mairie
de Pierre Bénite. Merci Madame le Maire !
W : Ton site est très populaire et tu sembles
t'y investir énormément (de nombreuses nouveautés
chaque semaine) et depuis peu on peut même y lire les avis
de ta fille, Agathe. Le jeu c'est une passion familiale ?
FH : La première fois que j’ai
vu ma femme, elle rentrait dans le magasin de jeux où je
travaillais à Valence ! Nous avons ensuite pratiqué
le Go que j’ai arrêté car elle me foutait la
pâtée tout le temps. C’est alors que nous avons
appris à jouer au Bridge grâce à mon ami Robert
Eskinazi qui est un enseignant réputé. Le bridge
a beaucoup occupé nos loisirs et nous avons même
connu le bonheur en remportant avec Chantal et deux amis un titre
de Champion de France en deuxième série. Il faut
savoir que le bridge est très développé en
France avec presque 100 000 joueurs licenciés à
la fédération française. Mes filles aiment
jouer, mais pas avec moi car je suis mauvais perdant. Elles acceptent
cependant de m’étriper à des jeux comme Set
ou Crazy Circus.
W : Non content d'être un collectionneur impénitent
et d'en faire profiter le plus grand nombre, tu as surpris tout
le monde en ce début d'année en annonçant
que tu avais créé un jeu : Maka Bana et qu'il allait
être édité par Ludistoria. Tu peux nous en
dire un peu plus et comment cette envie et ce projet sont-ils
nés ?
FH : Le jeu est né un peu par hasard
d’une idée : faire un jeu politiquement incorrect.
Naturellement, un thème m’est venu sur la construction
de paillotes en Corse. Il y avait des bombes, des gendarmes…
Lorsque je me suis rendu compte que le jeu plaisait au delà
du thème par ses mécanismes mêmes, j’ai
envisagé de l’éditer. Comme je rêvais
d’un grand plateau et de gros pions, j’ai appelé
mon ami Didier Panthout de Ludistoria dont j’adorais je
jeu Aux sabords. Il m’a immédiatement fait confiance
et a accepté d’éditer mon jeu avant même
de la connaître. Notre collaboration a été
concrétisée lors des journées de Boulogne
Billancourt. Les règles ont été testées
et retestées à cette occasion par quelques noms
connus dont Mr Phal et Michel Deprade. Une soirée épique
chez Matthieu d’Epenoux, avec mon amie Laurence de Rêves
de Jeux et Didier Panthout a donné son aspect définitif
au jeu. Je ne remercierais jamais assez Matthieu pour le rôle
primordial qu’il a joué ce soir là, un peu
comme accoucheur. Le jeu n’a pratiquement plus bougé
depuis cette date. Johann Aumaître a alors commencé
à travailler les décors que j’ai découvert
en même temps que le public au salon Univers d’enfants.
W : Quelques indiscrétions sur le thèmes
et les mécanismes ?
FH : Le jeu est devenu politiquement correct
! Il se déroule dans une île du Pacifique où
les joueurs doivent construire des cafés-paillotes. Pour
cela, ils doivent présenter un projet de construction avec
trois éléments décrivant précisément
l’emplacement où ils désirent construire.
Un seul de ces éléments est visible et les adversaires
(qui sont toujours désagréables) essayent de deviner
où tu veux construire pour t’en empêcher. Un
deuxième niveau de jeu, pour les plus vicieux, met en œuvre
une triche organisée. Mais il ne faut pas se faire prendre.
Les deux règles plaisent à des publics différents
sans qu’un jeu ne soit « supérieur »
à l’autre.
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La
maquette de Maka Bana, cliquez sur chaque vignette pour
l'agrandir |
W : et le plus important : QUAND Maka Bana sera-t-il
dispo ?
FH : Tu ne m’avais pas dit que j’avais
droit à un joker ? Je le pose. J’ai espoir de le
voir à Noël dans les bacs des bonnes épiceries…
W : Tu viens également de t'impliquer dans une
association "Rêves de Jeux" qui se réunit
toutes les semaines à Pierre Bénite pour des soirées
jeux. C'est un besoin viscéral, chez toi, de partager ta
passion avec le plus grand nombre ?
FH : Cela fait un peu prêt deux ans que
je suis membre de Rêves de Jeux. Cette association créée
par Jean-Pierre Boillon organise depuis 19 ans des séjours
de jeux uniques en France pour les ados ou les adultes, entièrement
consacrés aux jeux sous toutes leurs formes pendant 14
ou 19 jours !
Nous organisions déjà les fameuses « nuits
de la mort qui tue » à Lyon qui réunissent
régulièrement 75 joueurs. Nous avons eu envie de
franchir le pas et d’offrir à Lyon un endroit où
jouer toutes les semaines, qu’il pleuvent ou qu’il
vente. Espérons que d’autres nous rejoindront dans
ce rêve. La municipalité est prête à
nous suivre. A nous de prouver qu’il est possible de se
réunir toutes les semaines à Lyon dans un lieu ouvert
à tous. Pour l’instant, touchons du bois, ça
commence bien. Il est vrai que les joueurs anciens ou nouveaux
peuvent jouer aux centaines de jeux disponibles sur place en permanence.
W : Quel est le jeu que tu apprécies le plus
en ce moment ?
FH : Les jeux que j’utilise le plus en
initiation/contamination sont des jeux simples mais efficaces
comme Blokus, Manhattan et Clans. De tous les jeux récents,
Clans est incontestablement mon préféré.
J’en ferais bien mon favori pour le Spiel des Jahres s’il
n’étais pratiquement limité à 2 et
3 joueurs, bien qu’on puisse y jouer à 4.
W : Et le jeu le plus apprécié lors des
soirées Rêves de Jeux ?
FH : Les jeux les plus appréciés
sont les jeux de fin de soirée : Loups-Garous animés
par Jean-Pierre Boillon ou Agathe, Grand Dalmuti, … Clans
fait également un tabac.
W : Pour finir (ça va devenir un rituel..) tu
as un petit pronostic pour le Spiel des Jahres 2003 ?
FH : Si j’étais membre du Jury,
j’hésiterais entre Squad 7 et Trias. C’est
un peu comme choisir entre un banana split et un magret de canard.
J’aime beaucoup Clans, mais le nombre de joueurs trop limité,
ainsi que je l’ai dit plus haut, me semble un gros handicap
pour le prix. Je ne crois pas à un poids lourd sur la plus
haute marche du podium.
Personnellement, je regrette que le Deutcher Spiele Preis ait
modifié son mode de désignation. C’est un
peu devenu un prix du public, avec tout les défaut de ce
type de désignation. Que Transamerica ait failli remporter
l’un et l’autre prix me laisse pantois. Il s’agit
certes d’un agréable divertissement, mais je le juge
très loin des critères d’un jeu de l’année
qui doit quand même élever un peu le niveau des jeux
proposés au public sans tomber non plus dans un élitisme
nuisible.
W : En conclusion de cette interview, François
, il faut que je te dise un truc ma première rencontre
avec le jeu, c'est à ton site que je la dois, c'est entièrement
de ta faute si j'en suis arrivée la!! :-)
FH : J’en suis désolé pour
tes proches ! J’apprécie quand à moi la fraîcheur
de ton site et les originalités de ton site : bons plans,
interviews et moutons… Pierre-Nicolas Lapointe n’a
qu’à bien se tenir. Il a maintenant un sérieux
concurrent au titre de « plus beau site ludique francophone
». (NdW : jesweb
)
W : Mais qui a bien pu dire que le web était une
jungle et que les webmasters étaient en concurrence...
:-)
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