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Matthieu d'Epenoux est auteur et éditeur de jeux (Contrario, Illico Presto et plus récemment Unanimo chez Cocktail Games).

Walinette : Peux-tu te présenter et nous expliquer le parcours professionnel (et personnel) qui t'a mené au mon de du jeu ?

Matthieu : Je suis arrivé dans le jeu par trois canaux assez différents :

- La création de jeux avec un premier opus il y a une quinzaine d’années du nom de COCKTAILMANIA qui était un jeu où l’objectif de chacun des joueurs, qui était un barman, était de réaliser des cocktails dans les bars les plus célèbres de la planète…


Matthieu au stand Cocktail Games du salon international du jeu de Cannes.
Crédit Photo - TricTrac

Ce « chef d’œuvre ignoré » qui était en fait un sous-Monopoly nous a valu quelques expériences assez épiques : Une présentation de notre projet à l ‘assemblée générale de l’ABF (Association des Barmen Français) suivie d’un apéritif assez arrosé, la signature d’un contrat d’édition avec l’éditeur d’un jeu nommé Le Cordon Bleu sur la gastronomie et qui a déposé son bilan quelques mois après que le contrat soit signé (il n’y a pas de lien de cause à effet). Pour la petite histoire, je n’ai jamais abandonné ce thème par la suite car nous avons développé avec mon ami Odet l’Homer un jeu sur les cocktails qui s’appelait SHAKER et était composé de 5 dés (2 dés alcool, 2 dés boissons non alcoolisées et 1 dé ingrédient divers) et d’1 shaker et dont l’objectif était de réaliser des cocktails homologués par l’ABF. L’idée, moins fantaisiste que la première, était d’avoir un jeu publi-promotionnel qui aurait pu permettre de contrer le durcissement de la législation en vigueur sur les alcools. On a même signé avec l’éditeur du jeu Culture Pub qui, malheureusement, a disparu lui aussi.

- La pratique avec des amis de certains jeux de Murder-party avec notamment les 3 jeux édités par Schmidt International (Vol de Nuit pour la mort, Qui a tué Max Duvall et La dernière chance), introuvables aujourd’hui mais excellents et surtout bien meilleurs que les 3 jeux dans le domaine sortis par Habourdin quelques années plus tard. Je suis convaincu qu’il y a une place sur le marché pour des jeux de Murder-party mais bon, on ne peut pas tout faire…

- La rencontre déterminante avec mes deux amis Odet l’Homer et Roberto Fraga vus pour la première fois il y a une douzaine d’années au Salon du jouet où à l’époque je tenais le stand de la MAJ (La Maison des Auteurs de Jeux) et où le premier m’a présenté un jeu qu’il avait fait du nom de La Mayonnaise (fallait quand-même oser pour un nom pareil….), et le deuxième une maquette délirante du nom de Carnival qui contenait une cassette audio et où chaque joueur était le responsable d’une école de samba à Rio. Ce jeu, que Roberto a repris et retravaillé, était en fait l’ancêtre de Squad 7. On a décidé assez vite d’unir nos forces en travaillant ensemble (4 WE par an à Saint-Malo) et de tenter l’aventure outre-Rhin en allant présenter nos créations collectives en Allemagne…

W : La société a démarré très fort avec le jeu Contrario, comment vous est venue l'idée (à toi et tes compères) ? (NB: a ce propos je conseille aux lecteurs d'aller jeter un oeil sur la section Contrario de Tric-Trac)

M : L’idée de Contrario est venue, je crois, après une animation à Tartenpions (café jeu à Colombes) où l’on faisait tester nos différents prototypes et où j’animais de temps à autres des jeux de Murder-Party. Odet et moi étions vraiment dans une logique de réflexion sur les jeux de communication et je me suis dit que cela pourrait être sympa de faire un jeu sur les charades mais où il y aurait des synonymes et des contraires. Le principe du jeu était là et l’on en a fait un jeu de plateau (Enigma) où un lecteur annonçait un mot en 4 éléments puis décomposait comme une charade les 4 éléments mais en décuplant le principe de la charade par l’ajout de contraires et de mots de même famille. Ce jeu, qui a eu un succès public assez honorable lors de la première édition de Besançon où il avait été présenté, a reçu un refus poli de tous les éditeurs.
Quand j’ai décidé de me lancer dans l’édition de jeux à la suite de l’un de nos week-ends de travail French Connection, on a fait l’inventaire de tout ce que l’on avait en stock et le principe d’ENIGMA est largement sorti du lot. De là, on a pris la décision de virer le plateau qui ne servait à rien et surtout de travailler sur simplement des expressions détournées dont il fallait retrouver l’expression originale…

W : Tu peux nous dire à combien s'élèvent les ventes ou c'est confidentiel ?

M : On a dépassé les 5 chiffres.

W : Devant son succès, vous avez prévu une suite et une réédition sous 2 formes : familiale et expert , qu'en est-il actuellement ?

M : Les noms ont évolué ; il y a une version de Contrario Junior qui est prévue dans la gamme Pocket (petites boîtes en métal de format carré) et sortira en Septembre en même temps que les autres jeux de la gamme.
Contrario 2ème édition est prévu pour la fin de l’année si tout va bien et sera largement enrichi par les contributions des internautes.

W : Peux-tu nous expliquer le fonctionnement d'une maison d'édition de jeux : par exemple combien de temps faut-il à un jeu pour être édité (entre le moment où vous recevez ou concevez la maquette et où il est dispo dans les boutiques), quel est le tirage habituel ?

M : On a une activité d’animation de séminaires d’entreprises qui est excessivement prenante (entre 60 et 100 manifestations par an) et le jeu vient en plus de cela. C’est pour cela que les temps de développement sont certainement beaucoup plus longs que la majorité de nos confrères. D’un autre côté, je pense que c’est vraiment aussi fonction du jeu : des jeux comme Contrario ou Illico Presto demandent des temps de développement beaucoup plus longs qu’un jeu comme Unanimo qui existait déjà. Pour répondre plus précisément à la première partie de ta question, je dirai entre 6 mois et 1 an.
Pour ce qui est des propositions, on commence à en recevoir pas mal mais on ne prend pas forcément le temps de bien toutes les étudier ce qui est dommage. De plus, on peut largement se tromper ; j’en veux pour preuve l’exemple de Knapp und Fall (le clown acrobate) sorti chez Haba et qui est une création d’Axel, mon associé, à qui j’ai dit il y a deux ans que ce jeu n’avait aucune chance d’être édité. Mea culpa…
Le premier tirage de nos 3 premiers jeux a été de 5000 exemplaires pour chacun.

W : Vous vous êtes associés à Descartes-distributeur, c'etait une nécessité économique ?

M : Descartes distribue nos trois produits mais nous restons bien sûr éditeur car finalement c’est assez palpitant et surtout très complémentaire avec nos autres activités… Il est absolument clair qu’avoir un distributeur donne une visibilité au démarrage qui est beaucoup plus longue à acquérir qu’en faisant cela tout seul.

W : Comment as-tu pris la décision d'orienter Cocktail Games dans des jeux de communication, sans plateau, de courte durée avec un packaging original ?

M : C’est un choix délibéré d’abord et avant tout parce que cela correspond à mes goûts personnels et ensuite parce que je suis convaincu que l’on suit la bonne étoile.
Aujourd’hui, à l’heure où les sollicitations pour les loisirs n’ont jamais été aussi importantes mais où le budget des ménages n’est pas extensible à l’infini, je crois que les gens recherchent des jeux simples, fédérateurs, beaux, accessibles immédiatement, dont les règles se comprennent en 2 minutes et qui se jouent en 15 et à des prix abordables et si possibles partout…
Toutes les animations que je fais avec nos jeux me confirment plus que jamais que cette politique est la bonne et je ne souhaite pas pour le moment déroger de cette ligne éditoriale.
Je profite d’ailleurs de cet interview pour remercier chaleureusement les dizaines de personnes qui nous ont soutenu et encouragé aussi bien au démarrage que maintenant. On a eu une chance formidable avec Contrario qui nous a permis non seulement de poursuivre l’aventure avec d’autres jeux mais aussi de vivre des moments vraiment privilégiés…

W : Quels sont les projets de Cocktail Games ? J'ai entendu parlé (;-)) du lancement en septembre d'une nouvelle collection et d'un jeu orienté pour les plus jeunes. Tu peux nous en dévoiler un peu plus ?

M : Une partie voire la totalité de la gamme POCKET va sortir en Septembre. Celle-ci comprendra 8 jeux.
Ces jeux seront conditionnées dans de magnifiques boîtes carrées en métal de 9 cm par 9 cm et comprendront un paquet de 48 cartes carrées imprimées en quadri (à l’exception d’1 dont le contenu sera différent mais l’emballage identique).
L’idée est d’avoir des petits jeux de communication simples, attrayants, pas chers, transportables partout (et donc aussi jouables partout)…
Au programme, notamment, 3 jeux pour les enfants magnifiquement illustrés par Sofi et bien sûr d’autres jeux qui reposent sur des principes totalement géniaux car on a vraiment la chance d’avoir des auteurs super talentueux en France ….
Alors effectivement, on peut se dire que c’est assez fou de lancer une gamme avec autant de jeux mais je suis du genre têtu et je crois que le caractère totalement hors normes du packaging de ces jeux devrait nous porter chance….

Cridanimo
Rapid' Croco
Contrario junior
Les illustrations des nouveaux jeux Cocktail Games, par Sofi, cliquez sur chaque vignette pour l'agrandir

W : En ce moment, tu te sens plutot auteur ou éditeur ?

M : Je ne suis pas un auteur de jeux tout au mieux co-auteur d’un jeu. Ce qui m’amuse aujourd’hui, c’est d’essayer de détecter de bons jeux qui risquent de plaire, de travailler, si besoin est, avec le ou les auteurs pour essayer de tirer le meilleur parti de leur création, de démarrer des collaborations avec un nouvel illustrateur, de trouver des circuits de distribution originaux qui permettent aux jeux concernés d’élargir leur audience, de réfléchir avec mon fabricant de boîtes à des packagings pour le futur, de courir à droite et à gauche sur des manifestations ou points de vente pour faire connaître nos jeux….

W : A ce propos tu as des projets de création de jeux ?

M : Aucun

W : Pour finir parlons un peu de tes goûts. A quoi jouais-tu quand tu étais petit ?

M : Je faisais des parties endiablées de L’Attaque (plus connu sous le nom de Stratégo) avec mon père qui était notre jeu favori mais jouais aussi aux 1000 Bornes, Risk et Monopoly…Rien de très original.

W : Tes jeux préférés du moment ?

M : Je trouve Gobblet excellentissime et aime beaucoup Time is money et Squad 7 de Roberto Fraga.

W : Un petit pronostic pour le Spiel des Jahres 2003 ?

M : Je trouverai cela très bien que, sur la lancée de Villa Paletti, les organisateurs décernent le Spiel à Squad 7 ou pourquoi pas La Guerre des Moutons…Mais bon, ce n’est malheureusement pas très réaliste…
Je pense qu’il y aura quand même deux français dans les dix ou douze…

NdW : Et bien merci et bonne chance pour le lancement de la gamme Pocket !

 


 
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