Monsieur Phal et Docteur Mops sont les fondateurs de
TricTrac,
le portail des jeux de société en France.
Walinette : Cher Messieurs, vous avez pour habitude
le vouvoiement, je vais donc, contrairement à mes
habitudes poser mes questions à la deuxième
personne du pluriel, mais avant pouvez-vous nous en expliquer
les raisons ?
Monsieur Phal : C'est simplement une marque
de respect vis-à-vis de la personne à qui
je m'adresse. J'ai reçu une éducation stricte,
pour ne pas dire rigide. Chaque fois que je disais maman
au lieu de mère et papa au lieu de père, je
recevais une punition. Il s’agissait, le plus souvent,
de châtiments corporels, d’humiliations…
Mais je n’en veux pas à mère. Elle était
faible, et, au fond, elle nous aimait.
Docteur Mops : Chère mademoiselle,
pour ma part tout vient de mon éducation et du niveau
de promiscuité qui serait susceptible de nous lier
l’un à l’autre. Comme les ragots vont
si vite sur l’Internet, mieux vaut ne pas nous étaler
sur nos relations hors électronique et continuer
un vouvoiement bienséant.
W : Pouvez-vous décliner votre identité
complète ?
M.P : Je ne sais pas si cela est raisonnable.
J’ai peur d’avoir des ennuis avec le T.R.U.S.H.
… Bon, de toute façon « ils » ne
liront pas ces lignes., « ils » ne me retrouveront
pas. Mon nom est Kuryakin, Illya Kuryakin !
D.M : Oui c’est possible.
|
Monsieur
Phal en pleine action..
|
Monsieur
Phal et Docteur Mops en plein test de prototype à
Cannes...(crédits photos : Monsieur Bernard Torres
dit Toto pour TricTrac)
|
W : Pourquoi les pseudo de M. Phal et D. Mops?
M.P : J'ai fait des études d'horticulture
avec une spécialisation "orchidée".
J'avais un faible pour les "Orchidée-Papillon"
et plus particulièrement la Phalaenopsis. Un spécimen
en fleur au moins 6 mois par an. Vous imaginez ! 6 mois
en fleur. 9 ou 10 pour les plus florifères. Bon sang,
c'est tout moi ça. Donc et du coup, forcément
de par la même, vous comprenez bien...
D.M : Ah ? Vous pensiez que Docteur Mops
est un pseudo ? C’est cocasse !
|
W : Votre habitude de vous habiller en femme et de porter
des flingues, ça vous vient de votre enfance ?
M.P : Mon psy, qui est maintenant un ami, me
dit qu'il y a eu relation fusionnelle avec mère. Trop peut-être.
Une espèce de genre de transfert. Les vêtements sont
ceux de mère. Mère avec un flingue pour buter père
! Un truc du genre...
M.P : Ma très chère enfant, le
Kilt est un vêtement typiquement féminin. Ca me viendrait
plutôt de mes ancêtres voyez-vous. Pour ma part, je
préfère les armes blanches.
W : Pouvez-vous nous raconter la genèse de Tric
Trac ?
M.P : Un pari fou avec le Docteur Mops. Un jour
il me dit « T’es pas cap ! » Ni une ni deux…
Faut pas me chercher moi vous savez…
D.M : Au début Trictrac devait être
un site sur les jeux créé par une bande de jeunes
fous dont je ne faisais pas parti. J’ai rejoint l’équipe
à la demande de Monsieur Phal et nous avons commencé
à travailler sur le concept avant de nous apercevoir que
le reste des jeunes fous étaient trop absorbés par
Everquest pour exister encore dans le monde réel.
J’ai donc soumis un cahier des charges à Monsieur
Phal qui faisait 432 pages. Mais comme celui-ci était reparti
cultiver ses fleurs…
Du coup, je lui ai donné un projet de 2 lignes (plus abordable
pour sa capacité de lecture). Et Trictrac est devenu une
petite rubrique dans un site qui parlait de la ville d’Orléans,
perdu entre les rubriques tourisme, cinéma, livres, etc.
Puis la petite rubrique, rejoint par de nouveaux jeunes fous,
s’est mise à prendre toute la place pour devenir
un site à part entière.
W : Et la naissance du Pouic ? et pis pourquoi
il fait pouic et pas beeh d’abord (non , je ne suis
pas sectaire)
M.P : Vous êtes sûre qu’il
ne fait pas bêêh !?
|
|
D.P : Il nous fallait un logo. Comme je pratique
quelques expériences génétiques sur la forme
néoténique de la salamandre du Mexique qui se nomme
Axolotl, j’ai choisi cet emblème qui était
aussi un dieu des jeux chez les Aztèques.
W : Votre boulot, dans la vraie vie, c’est quoi
?
M.P : Mon bou… Mon boul… Mon Bbb…
Mince, j’ai du mal avec ce mot !
D.M : J’aime bien écouter les feuilles
des arbres qui bruissent dans le vent. Si vous voulez parler d’argent,
je trouve le sujet un peu trivial.
W : Faire vivre un site comme Tric Trac demande un investissement
énorme, vous pouvez nous résumer quel est votre
rôle et celui du Docteur Mops ?
M.P : Le Docteur Mops est le vrai spécialiste
du jeu, celui de nous deux qui a le plus de culture ludique. Il
est dans le milieu depuis au moins très longtemps. Moi,
je débarque. Si vous regardez bien, il a fait un maximum
de beaucoup de descriptifs. Le descriptif ! Voilà le truc
le plus dur et long à faire… Moi, je programme, je
surfe, je traque la news, je joue, je me déguise en fille,
je…
D.M : Il n’y a pas de rôle bien
définis. Si ce n’est que Monsieur Phal possède
des connaissances techniques qui me dépassent largement.
De plus, il est propriétaire de la chose, je ne suis qu’un
modeste intervenant qui profite du bel outil qu’il a créé.
C’est d’ailleurs bien aimable à lui.
W : Vous avez des idées, des projets pour le site
?
M.P : Plein ! Des milliers ! Trop certainement…
Entre ce qu’il faut finir, ce qu’il y a à faire
et les choses auxquelles nous n’avons pas encore pensé,
il va nous falloir 30 ans ! Comme j’en ai 19, faites le
compte !
D.M : En premier lieu, faire en sorte qu’il
soit profitable au plus de monde possible. C’est un peu
comme une encyclopédie, ce n’est jamais terminé.
W : Votre investissement dans le monde ludique est reconnu
puisque vous avez été désignés (vous
et votre complice) pour faire partie du jury du festival des jeux
de Cannes qui désigne chaque année le Super As d’Or
? Vous pouvez nous raconter comment ça s’est passé
et comment le jury travaille ?
M.P : On ne peut pas vraiment savoir ce qui
a motivé les organisateurs. Moi, j'imagine que c'est pour
mon physique et mon intégrité. Mais je n'en suis
pas vraiment sûr.
Pour le fonctionnement, nous jouons à des jeux, chacun
dans notre coin et nous nous réunissons tous les 15 jours
(environ) pour pratiquer ensemble ceux qui nous semblent intéressants.
Bien sûr, nous échangeons des mails, des coups de
fil, des messages par pigeons voyageurs… Nous sommes différents
(un peu), et donc par la même de conséquent, nous
couvrons un assez large panel. Il me semble. Enfin, j'espère.
Puis nous allons faire une liste de 10 jeux chacun, les comparer,
faire le forcing pour faire entrer celui qu'on aime à mort
et que les autres n'ont pas mis, puis jouer à tous ces
jeux ensemble, puis faire une liste définitive, puis rejouer,
puis donner des points, discuter, peut-être rejouer (en
discutant) et finalement élire l'As d'Or 2003… Épuisant
!
D.M : C’est très simple, au départ
les organisateurs nous ont demandés. Comme le Festival
avait décidé de réformer son fonctionnement,
l’aventure était d’autant plus intéressante
parce que nous pouvions jouer un rôle (même modeste)
dans l’évolution de ce prix. De nombreuses concertations
ont eu lieu avec les organisateurs, les membres du jury (qui a
donc pour l’occasion été renouvelé
de moitié), les éditeurs et des créateurs
de jeu. La nouvelle formule est la résultante de ces concertations
et cette année est un peu particulière puisque qu’elle
est donc une transition.
La grande différence avec l’ancien fonctionnement,
c’est que se sont les membres du jury qui vont eux-mêmes
choisir les jeux. Autrefois, c’étaient les éditeurs
qui choisissaient les jeux qu’ils voulaient soumettre.
Du coup, si nous jouissons d’une plus grande liberté,
le nombre de jeux à tester est beaucoup plus grand.
Ceux-ci sont testés par les membres du jury chacun de leur
coté, puis ensemble de manière à pouvoir
confronter des expériences différentes.
Une première liste est établie, elle comporte environ
une trentaine de titres parmi la centaine qui constituait le travail
de départ. Cette liste est ensuite affinée de plus
en plus.
Une dizaine de nominés seront élus, puis un seul
jeu parmi cette liste. Mais si le prix final est important, je
crois que la nomination l’est encore plus. C’est la
liste des 10 jeux préférés par le jury, ce
qui permet de couvrir des aspects très différents.
W : Quelques questions traditionnelles : Comment est
venue votre passion du jeu ?
M.P : Insidieusement ! Un soir, j’ai accepté
une partie jurant qu’une fois, il ne pouvait rien m’arriver.
Mais dès celle-ci terminée, déjà j’avais
envie d’en faire une autre… Bof, me dis-je, ça
ne peut pas me faire de mal, allez une autre. Très vite
il a fallu augmenter les doses… 2, 3, 4 parties… J’ai
bien essayé de décrocher, je suis parti en cure.
Mais, j’ai rechuté. Vous qui lisez ses lignes et
qui ne pratiquez encore qu’une ou deux fois par mois, je
vous le dis, soyez prudent, restez vigilent. Ne perdez pas le
contrôle. Dites « Non » !
D.M : Assez tard en réalité (tard
ça veut dire il y a 20 ans). Petit je jouais, mais sûrement
pas plus que le commun des mortels. Pendant mes études,
j’ai découvert le Jeu de Rôle (vers 81) et
entre les séances, nous pratiquions quelques jeux de société.
J’ai continué à pratiquer les deux activités,
mais peu à peu, je me suis aperçu que le Jeu de
Rôles était un peu en dessous de ce que j’en
espérais. Puis j’ai eu l’idée saugrenue
de comprendre comment fonctionnait la création d’un
jeu. Pourquoi ces drôles de types qu’étaient
les auteurs avaient des idées aussi farfelues que de créer
un jeu de société ? L’autre question étant,
pourquoi aimais-je tant y jouer ? En fait, je fréquente
le milieu ludique depuis longtemps et ça s’est fait
tout doucement au fil des rencontres. L’affaire Trictrac
a bien sûr accéléré les choses.
W : A quoi jouez-vous le plus en ce moment ?
M.P : Je suis une victime de la nouveauté,
je ne saurais vraiment répondre… Nous pratiquons
de manière glissante. Là, sur la pile dans le sac
de jeu qui je transporte, il y a « Alhambra », «
Magna Grecia », « Amun Re ». Avant il y avait
« Ulysses », « Edel, Stein & Reich »,
« Comme des mouches »… et demain, « Buddel
Chicken », « Le Roi & moi », « Starting
Block ».
D.M : A plein de chose. Je compare souvent ma
ludothèque à une bibliothèque ou une cave
à vin. En fonction des invités, j’offre toujours
le choix entre plusieurs jeux et c’est eux qui choisissent.
On commence par un petit apéro, puis on passe au plat principal,
on finit avec un petit dessert.
Ca, c’est pour les soirées récréatives,
il y a aussi des soirées plus studieuses où l’on
teste les nouveautés. Là, on goûte les jeux,
on les savoure. Parfois c’est indigeste, parfois c’est
un peu éloigné de nos goûts personnels alors
il faut recadrer. C’est la différence entre la vision
de joueur et la vision de critique.
Il y a des jeux qu’on appréhende tout de suite et
d’autre sur lesquels il faut revenir.
Allez ! Je regarde autour de moi et je vous dis les boites que
je vois : Alhambra, Clans, Grand National Derby, Camelot, Aux
pierres du dragon, le collier de la Reine, Formula Motor Racing,
Gang of Four (toujours à portée de main), Ciao Ciao,
Rumis, Wallenstein, Euphrat, Terra Galactix, Sans Foi ni loi,
Schicki Micki,…
Ah et puis il y a les soirées protos, des auteurs ou des
éditeurs viennent tester des jeux. Suivant l’avancée
du projet, ça ressemble plus à des soirées
de travail.
W : Et quel est le jeu qui vous a le plus marqué
?
M.P : Je me suis pris le totem de « Jungle
Speed » en pleine face durant une partie « physique
», j’ai eu un bleu durant une semaine ! Si ce n’est
pas marqué ça !
D.M : J’aimais bien jouer aux «
amoureux comme dans les films » avec ma petite voisine.
Comme elle était très joueuse, c’était
souvent bien intéressant.
W : Un petit pronostic pour le Spiel des Jahres 2003
? et pis pour le futur Tric Trac d’Or ?
M.P : Je vous fiche mon billet que ça
va se jouer entre « Alhambra » , « Clans »
et « Les loups-garous de Thiercelieux ».
D.M : Moi j’aimerais bien que se soit
Clans. C’est un jeu superbe et surtout très subtil,
mais il faut que tous les partenaires soient dans le même
esprit sinon ce n’est qu’un pousse-pion. D’où
les avis si disparates. Et puis je suis un fan inconditionnel
de Leo Colovini.
W : Pour finir, quelques questions subsidiaires (comme
qui dirait ;-) ) : Pouvez-vous, à toutes fins utiles, nous
indiquer la surface de votre salle à manger, l’âge,
la taille et le poids de vos enfants, la pointure de vos chaussures
et la hauteur de plafond de votre bureau ? les participants assidus
aux concours de Tric Trac apprécieront….
M.P : 5, 76, 3, 716, 17, 42, 253… Je ne
suis pas certain de l’ordre !
D.M : Autant vous dire que c’est Monsieur
Phal l’obsédé des mensurations (je vous passe
les détails), et je me retrouve plus que je ne le voudrais
à peser des trucs ou à parcourir mes pièces
à quatre pattes avec un mètre à rubans. Comme
il sait que ca fait beaucoup rire mon entourage, il persiste.
|